CAMPAGNE
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«Pas un objet que l’on sculpte»
Cette campagne intervient dans un contexte où de plus en plus de Danois recourent à la chirurgie esthétique, en particulier les femmes. «Elles doivent être parfaites dans tous les domaines: au travail, à la maison, avec les enfants, au lit», affirme Randi Thiel Nielsen, secrétaire du Conseil des femmes (Kvinderadet), qui estime que la pression est immense.
Pour le Pr Friedrich Stiefel, chef du Service de psychiatrie de liaison au CHUV, cette campagne a le mérite de remettre les pendules à l’heure. «Aujourd’hui, on est dans un glissement, dans la mesure où ce qui est produit par la publicité est défini comme étant la beauté, estime le médecin. Or cette image montre que le corps n’est pas un produit de vente, ou un standard universel, et qu’une femme est une personne, pas un objet que l’on sculpte.»
Si l’image a pu heurter certaines sensibilités, le sociologue lausannois Gianni Haver pense qu’ici la nudité n’a rien de choquant ou de dégradant. «Montrer le corps de la femme de façon détendue et sereine, c’est sain.» Encore mieux, cette nudité permettrait d’asseoir le message de la campagne. «Le corps est désérotisé. Cette répétition de seins montre au contraire la diversité et assume la normalité, par exemple avec les traces de bronzage apparentes.» Le sociologue de Lausanne appelle cette technique «l’ordinaire inhabituel». A savoir qu’il s’agit simplement de la réalité qui est montrée, mais que le public n’en a pas l’habitude.
Réfléchir, pas culpabiliser
«Il y a dans notre société une surreprésentation de la corporalité fantasmée, véhiculée par la publicité, le show-business ou l’industrie pornographique, explique Gianni Haver. Ces images remodelées font qu’on se retrouve face à des projections auxquelles aucune femme ne peut prétendre. C’est une usine à frustration au quotidien.» Certaines prennent alors des mesures pour s’approcher de ce fantasme. «La deuxième plus grande demande en matière de chirurgie mammaire vient des jeunes femmes qui sont très influencées par les standards actuels de la mode et des canons esthétiques du moment, et qui s’y identifient», confirme la doctoresse Véronique Emmenegger, de la Clinique Lémanic, à Lausanne. Or, pour le Pr Stiefel, une femme qui fait cette démarche pose un acte plutôt qu’une réflexion. «Elle agit par rapport à ses insécurités plutôt que de se poser des questions sur le pourquoi de cette insatisfaction.» Il espère ainsi que cette campagne danoise amènera à réfléchir, sans pour autant amener de sentiment de culpabilité.
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