Actualités Suisse: Lance Armstrong n'existe plus

L’Union cycliste internationale a confirmé le bannissement à vie du septuple vainqueur du Tour de France. Mais la tempête n’est pas terminée.




Irréel! Hier, dans un hôtel proche de l’aéroport de Cointrin, Lance Armstrong, le roc indestructible, cynique jusqu’à l’arrogance, a été sportivement désintégré. Il a suffi d’une phrase de Pat McQuaid, président de l’Union cycliste internationale (UCI), pour effacer à jamais le septuple vainqueur du Tour de France de la mémoire des palmarès: «Armstrong n’a pas sa place dans le cyclisme.» La messe était dite. Les portes de l’enfer se sont refermées sur le coureur américain, béatifié durant une décennie pour ses performances surréalistes et pour avoir vaincu un cancer des testicules.
Rarement une communication de l’UCI n’avait réuni autant de médias. Les plus grandes TV avaient fait le déplacement, d’Europe, de Chine, des Etats-Unis. Une cinquantaine de caméras, des retransmissions en mondovision pour assister au point final de la plus grande imposture de l’histoire du sport. Un grand jour pour le cyclisme, comme l’a affirmé Pat McQuaid, qui pourrait avoir bien du mal à s’en remettre.
Dans les faits, le patron de l’UCI n’a fait que valider la sanction que l’Agence antidopage américaine avait prononcée le 24 août dernier. A savoir: effacer des tablettes le nom du coureur vedette de tous les palmarès entre le 1er août 1998 et 2005, année de sa septième victoire à Paris. Lundi, Pat McQuaid s’est limité à cela, sans dire ce qu’il adviendra des classements décapités. Une décision devrait tomber ce vendredi et il est fort probable que la petite reine se retrouvera amputée des sept éditions du Tour qui a vu ses porte-drapeaux dérailler.
Le feuilleton va continuer
Si elle était commune, l’histoire pourrait s’arrêter là, à ce coup de gomme. Ce ne sera pas le cas. Car après les honneurs, Armstrong, qui appartient aux 50 sportifs les mieux payés de la planète avec une fortune estimée à 110 millions de francs, devrait passer à la caisse. Déjà pour rembourser les primes empochées indûment durant ses années de gloire. Mais aussi, parce que ses sponsors ne devraient pas accepter d’avoir été roulés dans la farine. L’agence financière Bloomberg estime à quelque 35 millions de francs les pertes de revenus de l’Américain.
Lance Armstrong risque également de payer son arrogance devant les tribunaux américains. A plusieurs reprises, en effet, il a menti sous serment, que ce soit pour nier tout dopage ou pour cacher ses relations sulfureuses, avec le Dr Ferrari notamment. Un délit gravement puni par la justice US. Il suffit de se souvenir du sort réservé à Marion Jones, qui avait écopé de six mois de prison ferme pour parjure dans l’affaire Balco.
L’UCI dans la tourmente
Reste qu’Armstrong ne sera pas le seul à sortir meurtri de cette affaire. L’UCI elle-même, malgré sa décision, demeure dans la ligne de mire des critiques. Pat McQuaid a eu beau «s’avouer écœuré» par le système limite mafieux mis à jour, répété, documents à l’appui, que l’UCI n’avait jamais couvert Lance Armstrong et tonné qu’il «ne démissionnerait pas», la Fédération internationale n’a pas fini de gérer la «plus grave crise de l’histoire du cyclisme». Il n’en sortira qu’après une profonde remise en question de sa gestion de la lutte antidopage. Peu importe que l’histoire Armstrong date de plus de 10 ans et que les moyens depuis lors ont considérablement changé. C’est aujourd’hui que l’imposture est ressentie dans le public. Peu importe aussi que le fléau ne touche pas uniquement le cyclisme: le fardeau lui incombe, tuant dans l’œuf les messages de renouveau.
Les prémices de cette prise de conscience ont été esquissées hier par la fédération. En sanctionnant Armstrong, l’UCI a fait passer le message que la prescription n’existait pas pour une faute exceptionnelle. Autre ouverture: Pat McQuaid s’est montré intéressé par une idée de l’Agence mondiale antidopage (AMA): la mise sur pied d’une «Commission Vérité et Réconciliation» qui pourrait passer par l’amnistie d’une génération perdue, à condition que cette dernière participe au nettoyage des écuries.
Une mesure symboliquement forte, car jusqu’à présent, ce type de commissions était surtout créé dans les pays africains pour reconstruire la paix après des massacres ethniques. Ce cheminement prouve aussi que le chemin vers la rédemption risque d’être bien long et douloureux.

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