L'initiative de la gauche a abouti. Le peuple décidera s'il supprime les forfaits fiscaux qui rapportent 700 millions par année. Vaud et Genève sont les cantons qui encaissent le plus. Ils seront au cœur de la campagne politique.
Terrasse du Palais fédéral à Berne, 14h15. Un soleil de plomb pour ce mois d'octobre, une vue magnifique sur l'Eiger, Mönch et la Jungfrau et... une marée de drapeaux rouges d'Unia, de Solidarités et d'autres composantes de la gauche. Les cinquante personnes présentes ont le sourire. Elles sont venues apporter les 120'000 signatures en faveur de l'initiative pour l'abolition des forfaits fiscaux.
103'000 signatures ont déjà été validées par les communes. Le peuple aura donc le dernier mot. Et c'est une bataille politique passionnante qui s'amorce. D'une part, parce que les cantons sont divisés sur l'opportunité de perpétuer les cadeaux aux riches étrangers, d'autre part, parce que Vaud et Genève seront aux premières loges de la campagne.
700 millions de recettes fiscales
La Suisse encaisse globalement environ 700 millions grâce à cet impôt spécial. Rappelons qu'il s'adresse aux étrangers qui ne déploient pas d'activité économique en Suisse. Ils sont taxés au forfait sur leur train de vie.
Cet impôt a été créé pour mettre du beurre dans les épinards du budget ordinaire. On attire avec une taxation douce des gens fortunés qui ne seraient pas forcément venus s'établir en Suisse. Tout le monde profite de cette noisette de beurre supplémentaire. C'est du moins l'argument de la droite.
La bataille idéologique
La gauche, au contraire, crie à l'injustice fiscale. Par rapport à la taxation normale des contribuables suisses et par rapport à la solidarité envers les autres pays auxquels nous débauchons de bons contribuables. Ces riches contribuables étrangers, si on les met au régime normal, ne déserteront pas la Suisse car ils trouvent un cadre de vie sûr et agréable. C'est du moins l'argument de la gauche.
Cette bataille idéologique s'est avivée dans la mesure où le nombre des personnes au forfait fiscal augmente. On en compte désormais plus de 5500. Voilà pourquoi, dans les cantons, des initiatives cantonales ont été lancées par la gauche. Et plusieurs sont déjà passées devant le peuple.
Match nul pour l'instant
Le résultat? Disons, match nul. Pour simplifier, deux tendances se dégagent: l'abolition du forfait à la zurichoise et l'augmentation du forfait à la bernoise. La première a fait sensation. L'extrême gauche à Zurich a réussi a faire supprimer les forfaits en recueillant aussi des voix... de droite. Certains millionnaires suisses en ont eu marre de payer plein pot sur la côte dorée alors que leur voisin étranger paie des clopinettes.
A Berne, scénario inverse. L'abolition des forfaits a été refusée avec des voix de gauche. Pourquoi? Parce que les syndicats et le PS ont commis l'erreur fatale de lier cet objet à une hausse générale des impôts. Dans ces conditions les Bernois ont dit non et ont cautionné le maintien du forfait fiscal, avec cependant un barème revu à la hausse.
«Cette votation est gagnable»
Les opposants au forfait fiscal ont bon espoir qu'en ne se concentrant que sur cet objet, ils emportent le morceau devant le peuple. «Cette votation est gagnable», nous déclarait cet après-midi à Berne Pierre Vanek (Solidarités), le conseiller municipal de la Ville de Genève.
A voir. Ce qui est sûr, c'est que la région lémanique sera au cœur de la campagne de votation. Vaud et Genève encaissent plus de la moitié (près de 400 millions) des recettes annuelles suisses des forfaits fiscaux. Le premier touche 229 millions par année avec ses 1397 contribuables spéciaux. Le second engrange 156 millions pour près de 700 contribuables.
Pertes de recettes?
Toute la question va tourner autour des pertes ou non de recettes si l'initiative passe. Les étrangers vont-ils fuir et plomber les finances? Non, s'écrient les opposants en avançant le modèle zurichois qui a vu un départ de certains contribuables mais une stabilité des gains puisque ceux qui restent paient davantage.
Face à eux, ils trouveront les représentants des partis bourgeois qui brandiront le modèle bernois qui devrait amener un peu plus d'argent dans les caisses par une augmentation graduée de la taxation.
La pression de l'Union européenne
La votation sera d'autant plus chaude qu'elle sera précédée par la grande question de la fiscalité des entreprises étrangères. La Suisse est en bagarre avec l'Union européenne qui lui reproche de pratiquer le dumping pour attirer les sièges des holdings et des entreprises de courtages.
La Suisse pourrait répliquer en abaissant la fiscalité de toutes ses entreprises. Genève a déjà dit qu'une telle mesure entraînerait des pertes de recettes de plusieurs centaines de millions. Qui paiera?
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