Le peuple veut-il se charger d'élire le Conseil fédéral?


VOTATIONS DU 9 JUIN
  
Actuellement, le Conseil fédéral est élu par le Parlement tous les quatre ans. L’initiative de l’UDC, soumise au peuple le 9 juin, veut changer la donne: le peuple désignerait directement les membres du gouvernement.


Le peuple suisse dira le 9 juin s'il veut élire lui-même à l'avenir le gouvernement. Il serait partagé, selon les premiers sondages. Jusqu'ici, l'UDC, qui veut mettre un million de francs dans la campagne, n'a reçu que quelques soutiens isolés, à gauche notamment.
Avant que le parti de droite lance la campagne pour son initiative, certains l'ont soupçonné de ne pas vouloir vraiment changer le système mais s'affirmer comme force d'opposition. A quelques exceptions près comme Oskar Freysinger en Valais, l'UDC n'est pas forte pour imposer ses candidats lors d'un scrutin majoritaire. Les bénéfices d'une élection au Conseil fédéral seraient donc faibles.
Mais le parti est convaincu qu'un système qui a fait ses preuves dans les cantons et les communes doit aussi être pratiqué au niveau national. Pour marquer le coup, il s'est d'ailleurs taillé un comité sur mesure réunissant ses élus dans les exécutifs.
L'idée de l'initiative est née dans les années nonante, lorsque l'UDC enregistrait succès après succès sans voir sa représentation au gouvernement augmenter. Mais elle a attendu que Christoph Blocher se fasse évincer du Conseil fédéral en 2007 pour se lancer concrètement dans la bataille.
Finies les intrigues
L'échec de son mentor est d'ailleurs indirectement un des arguments de campagne: finies les manoeuvres en coulisses qui dominent actuellement l'élection du gouvernement par le Parlement.
L'Assemblée fédérale serait dessaisie de cette mission au profit du peuple, la désignation pour un an du président de la Confédération passant quant à elle dans les mains de l'exécutif. Le scrutin populaire aurait lieu au système majoritaire à deux tours, avec une clause assurant la présence d'au moins deux Latins parmi les conseillers fédéraux élus.
En changeant les modalités d'élection, on évite que le pouvoir soit confisqué par la classe politique, les fonctionnaires et les juges et on réinstaure la confiance entre le gouvernement et le peuple, avancent les initiants. Qui n'hésitent pas à dénoncer des «dérives», entre autres pro-européennes, du Conseil fédéral actuel.
L'UDC tient aussi à rassurer les Latins. L'initiative offre une garantie de deux sièges qui n'existe actuellement pas, la constitution se contentant d'exiger une représentation équitable des diverses régions et communautés linguistiques.
Quelques soutiens à gauche
Hormis certains accents nationaux-conservateurs de l'argumentaire, l'initiative rencontre des sympathies à gauche. Le gouvernement a besoin d'une légitimité forte pour prendre des initiatives et ne doit pas être sans cesse sous la tutelle du Parlement, estiment ces partisans.
Tous deux minoritaires au sein de leur parti, le socialiste Pierre-Yves Maillard ou l'écologiste Robert Cramer par exemple prônent un «oui».
L'élection par le peuple est d'ailleurs une vieille revendication du PS, avant qu'il ne rejoigne le Conseil fédéral. Les socialistes, avec les catholiques conservateurs la première fois, sont à l'origine des deux précédentes initiatives populaires qui ont été rejetées par deux tiers des votants en 1900 et 1942.
Mais à gauche, on préfère désormais poser comme condition la transparence du financement des campagnes. Résultat: l'initiative fait jusqu'à maintenant la quasi-unanimité contre elle hors des rangs UDC. Par peur d'une non-réelection de certains ministres si le peuple devait trancher, ironisent certains.
Plein de défauts
Le Conseil fédéral a quant à lui décidé de rester quelque peu en retrait durant la campagne. L'initiative nuirait à la stabilité du pays, affirme-t-il avec les autres opposants. Il n'existe d'ailleurs aucun pays au monde qui élise l'ensemble de son gouvernement.
Les ministres deviendraient davantage soucieux de leur réélection que du bien public. Ils devraient se démarquer à tout prix et soigner encore plus leur popularité. La recherche du consensus et la collégialité en pâtiraient.
Pire, une élection par le peuple aboutirait à de ruineuses campagnes. Les candidats dépendraient donc davantage de leur parti mais aussi des individus, entreprises et groupes d'intérêt prêts à leur avancer de l'argent. Et tout ça au prix d'un affaiblissement de l'Assemblée fédérale et de potentiels conflits entre le législatif et l'exécutif.
La clause prévue pour les Latins est aussi décriée. En sus de ses difficultés d'application, elle risque de mettre en concurrence Romands et Tessinois au détriment des derniers. Voire de limiter à tout jamais la représentation des Latins à deux sièges. Quant au scrutin majoritaire, il lèserait les candidats des petits cantons.
Selon le gouvernement, les règles actuelles suffisent. Depuis 1848, le Conseil fédéral n'a connu que cinq ans avec un seul représentant latin. Pendant 78 ans, les Tessinois ont eu un conseiller fédéral. La Suisse latine a même été représentée pendant 48 ans par trois ministres.



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