Actualités Suisse: Les patients privés des rabais sur le prix des médicaments


SANTÉ 
  
Depuis fin 2000, la loi oblige médecins et pharmaciens à redistribuer aux consommateurs les rabais sur les prix des médicaments. Douze ans après, on en attend toujours les effets.






Ironie du sort, la loi fédérale de décembre 2000 qui oblige les pharmaciens et médecins à reverser les rabais qu'ils obtiennent sur les médicaments n'a pas plus d'effet qu'un placebo. Les patients et les associations de consommateurs constatent qu'en douze ans, la «Loi sur les produits thérapeutiques» n'a rien amélioré sur le front des prix.
Premier indice révélé lundi par le Tages-Anzeiger, le «compte commun» dans lequel les pharmaciens et thérapeutes sont supposés reverser les rabais non répercutés sur les médicaments délivrés sur ordonnance sonne creux. Depuis son ouverture en 2004, il n'a reçu que 20'000 francs, selon l'Institution commune LAMal, qui a la gestion.
Monnaie courante
Santésuisse voit dans cette situation un indice clair que les pharmaciens et médecins ne répercutent pas les rabais qu'ils obtiennent. L'association des assureurs maladie se dit cependant impuissante. «Les caisses ne voient que la facture que le médecin ou le pharmacien remet au patient», explique sa porte-parole Silvia Schütz.
Plusieurs experts cités sous le couvert de l'anonymat confirment les soupçons. Selon eux, les rabais sur les médicaments sont monnaie courante, notamment sur les génériques, sur lesquels ils atteignent en général 10% à 20% du prix de fabrique.
Des dizaines de millions
Chaque année, l'industrie pharmaceutique accorde plusieurs dizaines de millions de francs de rabais qui ne vont pas aux patients, confirme Valérie Legrand-Germanier, de la Fédération romande des consommateurs (FRC). Vu les milliards de francs de chiffres d'affaires réalisés sur ce marché, le «fonds commun» de la LAMal devrait aujourd'hui peser lourd, ajoute sa collègue alémanique Sara Stalder.
Les intéressés se défendent toutefois d'empocher cet argent. «Si le compte est vide, c'est que les rabais négociés sont répercutés aux clients et aux assurances», répond Sven Bradke, directeur de l'Association des médecins disposant de leur propre pharmacie. «Seuls les rabais dont les bénéficiaires sont incertains sont versés au fonds».
Marché opaque et non contrôlé
Comme le relève le Tagi, qui cite les milieux bien informés, les rabais ne sont de toute manière pas déclarés comme tels, mais sont versés sous forme de prestations de services: catalogues, location de vitrines pour la publicité, livraisons supérieures aux quantités commandées.
«La plus grande opacité règne sur ce marché», renchérit Valérie Legrand-Germanier. «C'est un problème pour nous. Même pour l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui s'occupe des prix semble ne pas avoir prise dessus», note la spécialiste de la FRC en matière de politique de santé.
Pas de surveillance
Swissmedic a bien tenté d'intervenir. Mais l'organe de contrôle des médicaments ne se sent plus en droit de le faire depuis que le Tribunal fédéral a jugé, en avril dernier, que l'article 33 de la loi fédérale de 2000, était trop peu clair pour contraindre les médecins et pharmaciens à reverser leurs rabais aux patients consommateurs.
L'Office fédéral des assurances maladies (OFAS) explique pour sa part que son mandat est de surveiller les caisses-maladie et non les médecins et pharmaciens. De facto, il n'y a donc plus aucune autorité pour contrôler la bonne application de la loi.
Les intérêts particuliers priment
La Confédération espère toutefois reprendre les choses en main. La révision de la Loi sur les produits thérapeutiques, dont le message devrait être soumis au Parlement avant la fin de l'année, prévoit qu'à l'avenir, les rabais devront être mentionnés «de manière claire et compréhensible» sur les factures établies par les hôpitaux, médecins et pharmaciens.
«Nous soutiendrons fortement ce projet mais l'étape du Parlement sera difficile», avertit Valérie Legrand-Germanier. Les entreprises pharmaceutiques veulent éviter de dévoiler leurs coûts et ceux de leur marketing. «On retrouve ce problème dans tous les domaines de la santé, même au niveau des hôpitaux, qui pourtant sont majoritairement aux mains des pouvoirs publics»,
Aux Chambres, «les intérêts particuliers pourraient une nouvelle fois primer sur ceux des citoyens-consommateurs», craint la responsable de la FRC. L'industrie pharmaceutique a du reste déjà manifesté son opposition au projet.

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