«L’État suisse devient le complice des passeurs!»


ASILE
  
Le durcissement de la loi sur l'asile est combattu par les Verts, qui soutiennent le référendum du 9 juin. Le conseiller aux États Robert Cramer exprime son indignation.






Le durcissement de la loi sur d'asile est combattu à gauche. Les jeunes Verts et des associations de défense des réfugiés ont lancé le référendum sur lequel nous voterons le 9 juin. Le PS suisse n'apporte pas son soutien officiel, craignant qu'un verdict populaire n'ouvre la porte à de nouveaux durcissements.
Les partis de droite appellent à dire oui le 9 juin. Ces changements démantèlent en rien le droit d'asile, juge la conseillère nationale Isabelle Moret (PLR/VD). Ce n'est pas du tout l'opinion du conseiller aux États Robert Cramer (Verts/GE). Questions.
Le Matin - Cela vous dérange qu'on veuille accélérer les procédures de l'asile?
Robert Cramer - Pas du tout. L'idée d'accélérer les procédures est une excellente chose. D'abord pour les requérants eux-mêmes, car l'incertitude est destructrice. Ce qui me dérange, c'est qu'avec le changement de la loi, le fait d'être un déserteur n'est plus un motif d'asile. Cette norme a été imaginée pour les ressortissants de l’Érythrée. Mais on ne peut pas refouler ces personnes dans leurs pays car on sait qu'elles vont y être torturées et assassinées. Par conséquent on les gardera, mais sans statut de réfugié officiel.
Ne faut-il pas poser des conditions pour éviter une augmentation des demandes?
Si c'est ce que vous voulez, alors interdisons les demandes d'asile et on n'en parle plus... Pour moi il y a pire encore que le dossier des déserteurs: c'est le fait qu'on a supprimé la possibilité de déposer des demandes par les ambassades à l'étranger. Je le tiens pour une véritable saloperie! Cela ne peut qu'alimenter les filières illégales. L’Etat suisse devient le complice des passeurs qui exploitent la détresse humaine en organisant ces filières. Ces passeurs traversent des mers, des déserts, parfois abandonnent les gens, les rançonnent, les violent. En plus la Suisse pratique une hypocrisie monstrueuse. Des gens qui fuient les violences en Syrie se rendent à l'ambassade suisse en Jordanie et on leur refuse un visa humanitaire en leur disant: Mais vous êtes dans un pays sûr!
Ne trouvez-vous pas souhaitable de séparer les requérants récalcitrants des autres?
Pourquoi? Nous vivons en Suisse dans un État de droit. Si un requérant d'asile commet des délits, il est susceptible d'être condamné. Au-delà de ça je ne comprends pas ce qu'est un récalcitrant: c'est quelqu'un de désagréable ou qui pose trop de questions? Cette notion est confuse et cela ne donnera que de mauvais résultats. Des centres spéciaux ne peuvent avoir qu'un caractère pénitentiaire. On compte ouvrir des casernes désaffectées à 2500 mètres d'altitude pour instaurer des régimes de privation de liberté... C'est le genre de choses que l'on inflige aux fortes têtes parmi des condamnés et ce sera infligé pour des motifs qui ne sont pas compréhensibles.
En somme vous rejetez toute la loi?
Absolument, et le fait de l'avoir fait voter en urgence au Parlement pour qu'elle s'applique dès le début 2013 est une raison supplémentaire. Les lois d'urgence sont prévues pour des cas exceptionnels, lorsqu'un problème ne peut pas attendre. En l'occurrence, c'est une invention du Conseil national pour éviter que le référendum ait un effet suspensif. Cette raison suffirait à elle seule à voter non le 9 juin!
Vous ne craignez pas une défaite?
Certains craignent qu'un échec populaire serait la porte ouverte à de nouveaux durcissements. Mais la question ne se pose plus en ces termes. Quand on voit la façon dont le débat sur l'asile est parti en Suisse j'ai le sentiment qu'il n'y aura plus aucune limite dans le durcissement. Les seules limites seront posées par le droit international. Alors je considère qu'il n'y a plus rien à perdre, quel que soit le résultat. Christophe Darbellay n'a pas attendu le résultat du vote pour demander les empreintes génétiques des futurs récalcitrants.

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