La solidarité s'effrite autour de Schettino

«Nous ne sommes pas tous des Schettinos!». Au pays du commandant, la solidarité s'est quelque peu effritée neuf mois après le naufrage du navire qui avait fait 32 morts.




Devenu la risée du monde entier, rebaptisé «Capitaine Couard» par les tabloids britanniques, le capitaine Francesco Schettino, sur le sort duquel le tribunal de Grosseto (centre) va se pencher lundi, est encore vu dans son voisinage comme un «bouc émissaire».
Mais des critiques commencent à s'élever.«Nous ne sommes pas tous des Schettinos! », s'insurge Antonio Cafiero, qui tient La Conca, un restaurant du bord de mer à Meta di Sorrento, village de 8000 âmes situé au sud de Naples, sur une colline qui surplombe la Méditerranée, et où la majorité de la population est lié au monde de la marine.
«Il a donné une mauvaise image de nous», ajoute cet ancien loup de mer, fier de sa famille qui construit les derniers bateaux en bois de la ville, héritière d'une tradition qui remonte au Moyen-Age.
En sirotant un apéritif à la terrasse d'un café, Antonio Ferraiuolo, qui fut l'un des professeurs de Schettino à l'Institut nautique Nino Bixio tout proche, craint lui aussi que la catastrophe n'ait jeté une ombre sur la réputation de la ville.
Un problème de caractère
«Je suis amer de la façon dont le secteur entier a été traité ces derniers mois. On n'est pas un petit village de pêcheurs», s'écrit-il.
Pour ce professeur désormais à la retraite, Schettino «était un capitaine qui prenait des risques. C'est un problème de caractère. Il est allé jusqu'au bord de la falaise, et cette fois-ci, il est tombé».
Ferraiolo insiste sur le fait que la «révérence» (parade devant la côte, tous feux allumés) qui a fait s'approcher le navire beaucoup trop près de l'île du Giglio ce soir du 13 janvier, est très courante et remonte à une tradition religieuse de Meta, en hommage à la Vierge Marie.
Mais selon lui le Costa Concordia allait cinq fois trop vite et les progrès technologiques qui facilitent le maniement des bateaux a fini par rendre les équipages «moins attentifs».
Toutefois, comme d'autres gens du cru, il estime que les enquêteurs devraient élargir les responsabilités: par exemple s'interroger sur le rôle des garde-côtes et sur le fait que certaines portes censées être hermétiquement fermées pour empêcher l'eau de se propager étaient ouvertes.
Vindicte des médias pas méritée
Pour Carlo Sassi, capitaine à la retraite et ancien maire de Meta, Schettino est «un peu frimeur» mais il ne mérite pas la vindicte des médias.
Le capitaine hyper-bronzé à la coiffure impeccable est devenu depuis des mois l'objet de blagues, non exemptes de stéréotypes sur l'Italien dragueur et lâche. Ce qui heurte la sensibilité des habitants.
«Tout le monde s'est précipité pour le juger», regrette Carmine, serveur au bar de l'hôtel Panorama, à quelques encablures de la maison où Schettino est resté enfermé pendant neuf mois, assigné à résidence et traqué par les paparazzi.
«C'est quelqu'un de bien, prêt à sortir cinq ou dix euros de sa poche si vous en avez besoin», plaide Carmine, un costaud au torse orné de chaînes en or, qui voit Schettino régulièrement.
«C'est sûr qu'il a commis des fautes, mais il est devenu un bouc-émissaire», affirme-t-il, estimant que le naufrage n'est pas tant la faute de Schettino que «la main de Dieu».
Soutiens sur le net
Les soutiens du capitaine qualifié parfois d'«homme le plus détesté d'Italie», dont un tribunal à Grosseto (centre) doit décider dans la semaine si un procès doit être ouvert à son encontre, s'expriment aussi sur internet.
Pas moins de 1783 utilisateurs de FaceBook ont «aimé» une page qui demande «vérité, justice, humanité et liberté pour Francesco Schettino».
«Tout le monde peut commettre une erreur», plaide un internaute tandis qu'un autre invite Schettino à «être fort car la vérité finira par sortir».
Un message apparemment posté par Schettino lui-même sur cette page explique qu'il est resté silencieux «par respect de la souffrance» des familles des victimes.
Aux abords du portail de sa maison, dans une allée exposée au vent et appelée Saint-Christophe, le patron des voyageurs, les voisins se méfient de toute intrusion. Un grand graffiti proclame «Presse+télévision = honte» et un autre invite les journalistes à «aller au diable».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire